Le 7 avril 2025, le Rwanda a entamé les cent jours de deuil marquant la 31e commémoration du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994. Plus de 800 000 personnes avaient été massacrées en l’espace de quelques mois.
Chaque année, cette période de mémoire collective est un moment essentiel pour rendre hommage aux victimes et soutenir les survivants. Mais cette année, ce devoir de mémoire est troublé par une montée des tensions diplomatiques avec la République démocratique du Congo (RDC), dans un contexte sécuritaire de plus en plus préoccupant.
Une mémoire vivante, une douleur persistante
Au fil des années, le Rwanda a transformé cette commémoration en un moment d’unité nationale et de résilience. Les survivants du génocide jouent un rôle central dans cette période, en partageant leurs récits, en accompagnant d’autres victimes et en transmettant la mémoire de cette tragédie. Prières, veillées, cérémonies et moments de recueillement ponctuent ces journées, durant lesquelles le traumatisme reste profondément ancré dans les esprits. Plus d’un quart des rescapés souffrent encore de stress post-traumatique, un trouble souvent ravivé par ces commémorations.
Les associations de soutien et les institutions rwandaises redoublent d’efforts pour offrir un accompagnement psychologique et promouvoir la solidarité entre les citoyens. Mais cette année, le climat régional vient perturber ce fragile équilibre.
Tensions avec la RDC : une ombre sur les commémorations
Le conflit en cours dans l’est de la RDC ravive de vieilles blessures. Les affrontements entre l’armée congolaise et les rebelles du M23, accusés par l’ONU d’être soutenus par le Rwanda, viennent exacerber les soupçons et les tensions entre les deux pays. Le groupe rebelle contrôle désormais des zones stratégiques comme Goma et Bukavu, aggravant les inquiétudes sur la stabilité de la région.
En février, le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé le Rwanda à retirer ses troupes du territoire congolais, une déclaration qui a renforcé les critiques à l’encontre de Kigali, alors même que le pays entame sa période la plus symbolique de mémoire nationale.
Dans ce contexte tendu, un incident illustre la sensibilité ambiante : le concert « Solidarité Congo », initialement prévu le 7 avril, a été repoussé au 22 avril. Ce chevauchement de dates a provoqué une vive controverse, certains estimant qu’il portait atteinte à la solennité du début des commémorations rwandaises. Le report de l’événement reflète les tensions sous-jacentes entre diplomatie, mémoire et perception publique.
Commémorer pour reconstruire, rester vigilant pour préserver la paix
Malgré ces turbulences, les Rwandais continuent de faire preuve d’une résilience admirable. La 31e commémoration du génocide est à la fois un hommage aux disparus et un rappel du chemin parcouru vers la reconstruction. Mais elle est aussi un avertissement face aux menaces persistantes qui planent sur la paix dans la région des Grands Lacs.
Les survivants, témoins vivants de l’horreur passée, observent avec inquiétude la situation actuelle. Leur message est clair : la mémoire ne doit pas seulement servir à se souvenir, mais aussi à prévenir la répétition de l’histoire. Comme l’ont exprimé plusieurs rescapés : « Nous n’oublions pas, mais nous avançons avec espoir, en restant vigilants ».
En cette période de recueillement, le Rwanda appelle à la solidarité, à la paix et à la stabilité régionale, tout en portant haut la mémoire de ses enfants disparus.