À compter du 1er mai 2025, une réforme ambitieuse de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), lancée en 2018, entrera en vigueur. Elle contraindra les entreprises extractives opérant dans la zone CEMAC à rapatrier leurs revenus en devises ainsi que les fonds dédiés à la restauration environnementale sur des comptes logés au sein de la sous-région.
L’objectif affiché : renforcer les réserves de change et assurer la stabilité du franc CFA. Mais cette mesure, bien que soutenue par le FMI, suscite de vives inquiétudes quant à ses conséquences économiques à moyen et long terme.
Des pertes économiques colossales à l’horizon 2050 D’après une étude publiée par l’agence de notation Standard & Poor’s, la mise en œuvre de cette directive pourrait entraîner une perte économique cumulative estimée à 86 milliards de dollars pour les six pays membres de la CEMAC d’ici 2050. Les investissements en capital dans la région pourraient baisser de 45 milliards de dollars, tandis que les entreprises du secteur extractif enregistreraient une perte de trésorerie de l’ordre de 47 milliards. À cela s’ajoute une baisse anticipée de la production pétrolière de près de 15 %, un choc majeur pour des économies fortement dépendantes de cette ressource.
Des conditions strictes et des sanctions sévères Les entreprises concernées ont jusqu’au 30 avril 2025 pour signer les accords formels encadrant ce rapatriement. La BEAC exige le transfert d’actifs estimés entre 5 et 10 milliards de dollars vers des comptes contrôlés par ses services. Toute entreprise qui refuserait de s’y conformer s’expose à des sanctions pouvant atteindre jusqu’à 150 % des montants attendus. De quoi fortement refroidir les investisseurs.
Entre rigueur monétaire et attrait des capitaux étrangers Pour la BEAC, cette réforme est cruciale afin de consolider les équilibres macroéconomiques de la zone. Le FMI soutient d’ailleurs cette initiative, pointant le risque d’une explosion de la dette publique si des mesures strictes ne sont pas prises. Sans discipline budgétaire renforcée, certains pays de la zone pourraient dépasser un ratio dette/PIB de 100 % d’ici 2029, selon les prévisions de l’institution.
Cependant, du point de vue des compagnies pétrolières, cette centralisation des fonds limite leur marge de manœuvre financière, complexifie leurs opérations internationales et pourrait freiner le développement de nouveaux projets d’investissement. Elles multiplient actuellement les discussions pour tenter d’obtenir des ajustements à la réglementation. Le groupe Perenco, notamment, est très actif dans ces négociations.
Un dilemme stratégique pour la région Cette réforme place la CEMAC face à un dilemme de taille : renforcer ses fondations monétaires ou préserver son attractivité pour les capitaux étrangers. Si elle est appliquée sans souplesse, la mesure pourrait, à terme, fragiliser les recettes publiques et ralentir la croissance dans une région encore très dépendante du secteur extractif.
L’issue des discussions en cours, ainsi que la mise en œuvre effective de la réforme à partir de mai, seront déterminantes pour le paysage économique et financier de la CEMAC dans les années à venir.