Un nouveau rapport d’Amnesty International, publié le 14 avril 2025 à Accra, met en lumière une crise silencieuse mais dévastatrice : au Ghana, des centaines de personnes – en grande majorité des femmes – subissent de graves violations de leurs droits humains.
Accusées à tort de sorcellerie, elles sont chassées de leurs foyers, bannies de leurs communautés, et contraintes à l’exil dans des conditions précaires. L’organisation pointe du doigt l’inaction prolongée de l’État ghanéen face à ce fléau.
Des vies brisées par la superstition
Ces accusations infondées, souvent nourries par des croyances populaires et des superstitions tenaces, prennent pour cible des femmes vulnérables – généralement âgées, veuves, ou simplement perçues comme différentes ou trop indépendantes. Un incident, un malheur, une maladie dans un village… et elles deviennent les boucs émissaires idéales.
« Ce sont souvent des femmes de plus de 50 ans, vulnérables, ou qui réussissent bien dans la vie. Dès qu’un événement tragique survient, elles sont les premières pointées du doigt », explique Michèle Eken, chercheuse senior à Amnesty International. Une fois désignées comme « sorcières », ces femmes sont rejetées, brutalisées, et contraintes de fuir, souvent sans aucun soutien, pour échapper aux lynchages ou aux violences communautaires.
Un vide juridique lourd de conséquences
Amnesty International déplore l’absence de cadre légal adapté pour lutter contre ces persécutions. À ce jour, aucune loi au Ghana ne criminalise spécifiquement les accusations de sorcellerie, créant ainsi un climat d’impunité. Les auteurs de ces dénonciations infondées, souvent à l’origine de violences graves, ne sont presque jamais inquiétés.
« Il n’existe pas de législation claire pour protéger ces victimes. Cela laisse les agresseurs libres de récidiver, et les survivantes sans recours ni justice », alerte Michèle Eken.
Le rapport souligne également le manque cruel de structures d’accueil sécurisées pour les femmes déplacées, ainsi que l’inefficacité des campagnes de sensibilisation sur le sujet.
Un espoir législatif fragile
Une proposition de loi visant à interdire explicitement les accusations de sorcellerie devrait être examinée cette année par le Parlement ghanéen. Une initiative que l’organisation de défense des droits humains salue, tout en appelant à des mesures rapides et concrètes.
Amnesty exhorte les autorités à assumer pleinement leurs responsabilités en mettant en place des mécanismes de protection efficaces, des sanctions dissuasives à l’encontre des agresseurs, et des actions de sensibilisation à grande échelle pour déconstruire les mythes entourant la sorcellerie.
Ce combat pour la dignité, la sécurité et les droits des femmes stigmatisées ne peut plus être reporté. Le Ghana, souvent cité en exemple en Afrique de l’Ouest pour sa stabilité démocratique, doit désormais montrer l’exemple dans la défense des plus vulnérables.