C’est un jour marquant pour la Guinée. Moussa Dadis Camara, qui a dirigé le pays pendant une année entre 2008 et 2009, a été déclaré coupable de crimes contre l’humanité ce 31 juillet 2024. Le tribunal criminel de Dixinn l’a condamné à 20 ans de prison pour son rôle dans les massacres du 28 septembre 2009 à Conakry. Lors de cet événement tragique, au moins 156 personnes avaient été tuées et des centaines d’autres blessées lors de la répression d’un rassemblement de l’opposition dans un stade de la capitale. Parmi les victimes, au moins 109 femmes avaient été violées.
Ce procès historique, qui s’est étalé sur 22 mois, a également vu la condamnation de Moussa Tiegboro Camara, ancien chef des services antidrogue, à 20 ans de prison. Le verdict est néanmoins plus clément que les réquisitions du parquet qui avait demandé la perpétuité.
Claude Pivi, ministre de la Sécurité présidentielle en 2009 et en fuite depuis novembre dernier, a reçu la peine la plus lourde avec une condamnation à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 25 ans. Un mandat d’arrêt a été émis contre lui.
Marcel Guilavogui, ancien protégé du président, a été condamné à 18 ans de prison. Il avait été aperçu lors du massacre, frappant les leaders politiques et menaçant de faire exploser une clinique où étaient soignés les blessés. D’autres condamnations notables incluent Blaise Goumou (15 ans), Mamadou Aliou Keita (11 ans) et Paul Mansa Guilavogui (10 ans).
Une Justice rendue aux victimes
Aboubacar Diakité, dit « Toumba », a également été condamné à 10 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Sa collaboration avec la justice et ses révélations pendant le procès ont permis de fissurer la défense collective des accusés. Quatre (4) autres militaires et gendarmes ont été acquittés : Cécé Raphaël Haba, Ibrahima Camara, Alpha Amadou Baldé et Abdoulaye Chérif Diaby. Les parties disposent de 15 jours pour faire appel.
La requalification des faits en crimes contre l’humanité, caractérisée par une attaque systématique contre une population civile, a joué un rôle crucial. Cette qualification a permis d’invoquer le principe de responsabilité du commandement, rendant Dadis Camara responsable des crimes commis sous son autorité.
L’audience du 31 juillet 2024 à Conakry s’est déroulée sous haute sécurité, en présence de dix des onze accusés. L’absence de Claude Pivi, toujours en cavale, a été notable.
La différence avec la première audience le 28 septembre 2022 était frappante. À l’époque, la salle était bondée de victimes vêtues de boubous colorés. Cette fois, la plupart ont préféré suivre la retransmission télévisée, craignant pour leur sécurité.
Ce procès exceptionnel, ouvert symboliquement le 28 septembre 2022, date anniversaire du massacre, a été largement suivi en Guinée et au-delà. Il a été diffusé quotidiennement à la télévision nationale et sur YouTube, permettant à tous de suivre le déroulement des audiences et de témoigner de cette avancée significative pour la justice guinéenne.
La condamnation de Moussa Dadis Camara et des autres accusés marque un tournant dans la lutte contre l’impunité en Guinée. Elle représente une étape cruciale pour les victimes et leurs familles dans leur quête de justice et de reconnaissance des atrocités subies.