Marine Le Pen, la dirigeante de l’extrême droite en France, est convoquée ce lundi 14 octobre 2024 devant la justice dans une affaire d’emplois fictifs au Parlement européen, qui pourrait la rendre inéligible – un obstacle majeur pour ses ambitions présidentielles en 2027.
La cheffe des députés du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée, qui figure parmi les candidats favoris selon les sondages, doit répondre aux interrogations des magistrats lors d’un procès débuté le 30 septembre. Ce procès concerne 25 prévenus au total, ainsi que son parti.
Les accusés font face à des charges de détournement de fonds publics ou de complicité, ayant mis en place entre 2004 et 2016 un système d’emploi de collaborateurs d’eurodéputés qui ne réalisaient en réalité des tâches que pour leur parti, alors connu sous le nom de Front National.
Tout comme les autres prévenus, qui incluent des députés, assistants et responsables du parti, Marine Le Pen risque jusqu’à dix ans de prison et une amende d’un million d’euros, en plus d’une éventuelle inéligibilité de dix ans, ce qui pourrait freiner ses ambitions présidentielles.
Cependant, un tel jugement ne l’empêcherait pas totalement, car elle pourrait faire appel en cas de condamnation, prolongeant ainsi le processus de sanction.
Âgée de 56 ans et ayant déjà tenté sa chance à trois reprises pour la présidence, Marine Le Pen réfute les accusations. Elle évoque « la liberté parlementaire » en matière de recrutement et assure, tout comme ses coaccusés, qu’elle n’a « enfreint aucune règle ».
Stratégiquement, elle opte pour une approche offensive. Dans les premières heures du procès, elle demande (et obtient) la parole pour présenter son parti comme une victime du Parlement européen, qu’elle décrit comme la « bête noire » du RN. Elle critique également les « préjugés » de la partie civile, affirmant que cela les a entraînés dans un « tunnel » comme des rongeurs.
Le Parlement européen a estimé son préjudice financier à trois millions d’euros mais ne demandera que deux millions, un million ayant déjà été remboursé, ce que le RN considère comme non révélateur d’une culpabilité.
Jeudi, dans une interview accordée à l’hebdomadaire Le Point, Marine Le Pen a aussi affirmé « avoir perçu de la part de la présidente (du tribunal) une tonalité de partialité ».
« Déterminée »
« Je la sens déterminée, comme si elle reprenait sa robe d’avocate », analyse un proche, en référence au métier d’origine de Mme Le Pen, dont le parti est le premier à l’Assemblée nationale, avec 125 députés.
Cette Assemblée est éclatée en trois grands groupes : le camp présidentiel allié à la droite, la gauche, et enfin l’extrême droite. Mais aucun n’a de majorité absolue.
Une situation provoquée par les législatives issues de la dissolution surprise décidée par le président Emmanuel Macron, après la victoire du RN aux élections européennes de juin.
La gauche refusant d’aider le gouvernement de coalition camp présidentiel-droite, le RN se retrouve de fait dans la position de faiseur, ou défaiseur, de l’exécutif.
« La date de péremption (de ce dernier) est inscrite sur la boîte », ironise Marine Le Pen, qui a assuré vouloir assister autant que possible au procès censé durer jusqu’au 27 novembre.
Dans le même temps, elle a promis de tenir un grand meeting par mois jusqu’à la présidentielle de 2027.
« C’est sûr que c’est plus inconfortable de faire campagne quand on est condamné, mais on peut aussi être acquitté, et là c’est jackpot », anticipe un député RN.
« Les affaires des autres partis profitent au FN-RN, mais les affaires du FN-RN ne profitent pas aux autres partis », estime quant à lui Sylvain Crépon, maître de conférences en sciences politiques.
« Chaque fois qu’on attaque le parti ou ses dirigeants, ça lui permet de se poser en victime », selon Nonna Mayer, chercheuse en sciences politiques.